Loi d’Orientation Agricole, appel de RAFU aux député.e.s et aux sénateurs et sénatrices

Samedi 25 mai,  après deux semaines de débat, s’est achevé l’examen de la Loi Agricole par les député.es de l’Assemblée Nationale. Le texte a été voté aujourd’hui le 28 mai 2024.

Les discussions présageait un texte peu ambitieux – comprendre CATASTROPHIQUE – face aux objectifs de renouvèlement des générations agricoles, aux enjeux de la transition agro-écologique, à la souveraineté, et pour les conditions de travail des agriculteur·trice·s et paysan·nes. Pire même, à défaut d’être à la hauteur des enjeux, cette loi est un fourre-tout de mesures anti-écologiques. 

Les discussions autour de la LOA témoignent de l’affrontement entre deux modèles: celui d’une agriculture d’exportation, soumise aux marchés mondiaux au prix des baisses de revenus et des régressions environnementales face à celui que nous défendons au sein de RAFU, une agriculture vouée à nourrir la population, rémunératrice, protectrice et durable. Nous appelons les député.es et sénateur·trice·s à soutenir le seul modèle soutenable, en rectifiant le tir et en proposant des textes à la hauteur des enjeux. 

Le bilan est terrible: le gouvernement a supprimé les objectifs de surfaces en bio et en légumineuses, il n’y a aucune mention d’un revenu agricole,  et le texte présente de reculs inédits pour l’environnement. 

Le productivisme ou l’intérêt général majeur et la souveraineté alimentaire 

L’article 1 confère désormais à l’agriculture un caractère « d’intérêt général majeur » – demande de la FNSEA. Cela signifie qu’en cas de litige entre la production et la protection de l’environnement, au nom de cet intérêt général majeur, la loi privilégie toujours la production. L’article 1 devient l’article PRO AGRO-BUSINESS. C’est donc un moyen pour influencer les juges administratifs et d’inscrire dans la loi la facilitation des méga projets industriels, méga-bassines et fermes usines, et la valorisation du libre-échange.

Cet article donne l’apparence que le droit de l’environnement devient moins légitime que la production, alors que législativement le droit de l’environnement conserve sa valeur constitutionnelle tandis que l’intérêt général n’aurait qu’une valeur législative. Mais cette reconnaissance législative peut inciter les juges administratifs a réévaluer l’intérêt de l’agriculture lors de son examen des déclarations d’intérêt public et des autorisations administratives des fermes-usines et des méga-bassines. Cette reconnaissance, et ces discours ambigus, donne le sentiment à la FNSEA qu’elle se place au dessus de tout ce qui est perçu comme contraignant: la biodiversité, le climat, la santé des populations, la qualité de l’eau… RAFU regrette que la justice environnementale s’encrasse dans des ambigüités dangereuses pour nous et les magistrats…  Cette vision productiviste de la « souveraineté alimentaire » rentre en totale contradiction avec la définition de l’ONU et les attentes des citoyen·nes et des paysan·nes.

Plutôt que de valoriser les filières locales, liées au sol, le texte défend les importations massives de soja, de gaz, d’engrais, qui en plus de polluer, déstructurent les filières locale en France et dans le reste du monde. Les objectifs du code rural de 15% de bio de la Surface agricole utile et de 8% de surface en légumineuses ont tout bonnement disparus !

La formation agricole publique mise à mal: 

L’article 2 porte sur la formation agricole : l’objectif inscrit, c’est  30% de plus de  personnes formées mais sans aucun moyen supplémentaire. L’enseignement public agricole est donc tué à petit feu au profit de l’enseignement privé. Nous défendons l’égalité d’accès à la formation agricole. 

Des régressions dramatiques pour l’environnement: 

« Pire régression des dix dernières années » sur l’environnement pour Morgane Piederriere, responsable chez FNE. Dans l’article 13, la majorité a fait adopter un amendement qui distingue « les atteintes intentionnelles aux espèces protégées » et les « actes de bonne foi ».  La qualification de « délit » est désormais réservée aux faits commis de manière intentionnelle… mais comment le prouver ? Cette intentionnalité potentielle délivre un permis de détruire et d’impunité générale ! Le message est clair : les atteintes à l’environnement ne seront pas durement punies. Et puis la majorité défend la simplification des contentieux administratifs contre les méga-bassines et les fermes- usines. De quoi rendre le travail des associations engagées pour un VRAI projet d’orientation agricole encore plus compliqué, et dans des délais toujours plus courts. Nous devons nous mobiliser pour faire en sorte de pouvoir continuer à travailler à faire respecter le code de l’environnement et concevoir l’agriculture et l’environnement, non pas comme des objectifs contradictoires mais comme des objectifs complémentaires.

Bon, et puis pour une loi qui doit permettre le renouvèlement des populations agricoles, il n’y a rien pour réguler le prix du foncier, rien pour prioriser l’installation en agro-écologie, rien pour donner des moyens financiers ou d’intervention aux SAFER ! L’absence de réforme de la régulation foncière est un immense manquement de ce texte. 

Quelques victoires obtenues grâce au travail des député.es de l’opposition

Les députées de l’opposition ont malgré tout obtenu quelques victoires: 

    – d’abord, iels ont permis d’inscrire le pluralisme dans la loi et d’obtenir le retour des objectifs de développement de l’agriculture biologique. France Services Agriculture – le dispositif d’accompagnement des agriculteurs devra soutenir le pluralisme en soutenant, de manière neutre, l’ensemble des modèles agricoles. Cependant, c’est toujours la chambre d’agriculture – organisme absolument pas neutre – qui domine toujours le fonctionnement du système… Il nous faudra donc être vigilant.es!

    – Ensuite, iels ont permis de valider l’objectif de viser 400.000 exploitations et au moins 500.000 exploitant.es agricoles d’ici 2035 afin de limiter la casse du modèle agricole familial. 

    – Enfin, sur l’article 8, iels se sont battu·es contre l’accaparement des terres par de grandes firmes en sortant les investisseurs privés de la politique de levée de fonds du gouvernements pour le foncier. Le camp présidentiel a renoncé à réintroduire l’outil de portage du foncier (GFAI) .

RAFU regrette également que cette loi ne fasse pas de place à la démocratie en proposant la mise en place d’un moratoire sur toutes les installations qui iraient à l’encontre des principes agro-écologiques comme par exemple les serres industrielles relevant des rubriques 2910 et  4718-2 b. de la nomenclature ICPE & les élevages industriels relevant de la rubrique 3660 de la nomenclature ICPE 

Face à cette loi mortifère, nous continuerons de nous mobiliser !

Nous vous appelons à rejoindre le mouvement du Collectif « Nourrir » d’interpellation des députés afin qu’ils se mobilisent en faveur de textes de loi ambitieux à la hauteur des enjeux d’installation, de transition et de souveraineté alimentaire: 

https://avec-ou-sans-paysans.fr/

Il est nécessaire d’agir pour aboutir à des textes de loi à la hauteur des enjeux: une loi qui garantisse un système agro-écologique, biologique, résilient, rémunérateur, porté par des fermes nombreuses, à taille humaine, insérées dans les territoires !